Valéry, Cahiers

Es kann passieren, dass man beim Lesen erschreckt und denkt: das ist wahr, genau SO fühle ich es auch.

Dies ist mir vor einigen Tagen passiert, als ich die Cahiers von Paul Valéry las.

Ego – Insula – Souvenirs

Bizarre tête – Je n’existe que singulier et comme à l’état naissant. Ne comprends que ce que j’invente. Ce qui a infecté mes études – et dégoûte des maîtres qui n’excitaient pas ce sens – Au contraire!

Faire inventer est le secret de l’enseignement non bête.

Voir un homme d’esprit visiblement grossier “expliquer” une délicatesse littéraire, une difficulté de raisonnement ou d’expression – est démoralisant. Je ne pouvais pas concevoir que tel rustre diplômé comprît ce que je ne comprenais pas. Et je m’habituai à ne pas savoir ni comprendre – Ce qui fit que je me séparai in petto de ces êtres et de leurs vérités – et me sentis d’une autre espèce – inférieure par bien des choses – et résigné à l’être, à ne vivre que de ses propres ressources.

Il me semblait non moins impossible que quelque prêtre pût savoir au vrai ce qu’il enseignait et comprendre ce qu’il disait. La foi est la supposition contraire -, et se réduit dans les jeunes esprits à cette confiance naturelle. – Je ne pus jamais imaginer qu’un homme en sût plus qu’un autre si ce n’est par quelque observation de ses yeux, ou en quelque mode d’action et d’opération.

Croire, donc, en toute matière, me parut un état provisoire et expédient. Un pis-aller. On ne peut s’en passer, comme on se contente de peu, soit par indifférence, soit par nécessité, soit par négligence naturelle et paresse. Mais la foi veut que l’on donne à ce minimum plus de valeur qu’à une certitude positive.

D’ailleurs je ne fus pas plus convaincu de la démonstration de l’égalité des triangles que de celle de la Trinité.

Je n’ai jamais compris cette démonstration d’Euclide (comme je l’ai expliqué à Painlevé) – et ce genre de résistance – transformé par la discipline scolaire – en répugnance – a vicié pour toujours mon éducation mathématique.

Il me semblait qu’on ne transporte pas un segment dans son esprit pour l’appliquer à un autre sans faire d’avance que l’on trouvera égalité ou non. L’esprit fournit segment, transport, conservation et différence -, et cela ne prouve rien. Si, au contraire, l’opération est matérielle – elle n’a aucune généralité – et le théorème n’existe pas. La constatation ne déborde pas son acte. D’ailleurs un triangle dont les sommets seraient Sirius, Véga et Antarès est peu maniable – et même d’existence assez disputable – si on le confond pas avec celle d’une petite figure sur le papier.. Ici, le prêtre dirait que ce qui est lié et délié sur la terre est lié et délié dans le ciel!

Mais peut-être faut-il qu’il y ait de mauvais élèves, des esprits bouchés – pour que quelques-uns s’opposent aux maîtres de basse qualité? Car le bon et docile élève d’un maître bête reflète de la bêtise et reçoit la récompense de se l’être assimilée. Ce qui se voit tous les jours.
(Paul Valéry, Les Cahiers, Bd. I, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), Paris 1973, S. 161 f.)