C’est la même chose pour tout le monde, donc c’est juste

C’est la même chose pour tout le monde, donc c’est juste.

Au détour d’une conversation, au fil des pages d’un quotidien, au cœur de nos réflexes intellectuels, cette pensée séduisante au premier abord se révèle davantage mystificatrice qu’évangélique.

Quand comprendra-t-on enfin que l’universalité d’une solution n’implique en rien que cette solution soit juste?

Universalité n’implique pas justice

P1: Ce qui est juste peut valoir pour l’un comme pour tous.

P2: Ce qui est injuste peut valoir pour l’un comme pour tous.

C: Par conséquent, ce qui vaut pour tout le monde n’est pas nécessairement juste.

Exemple ad absurdum: je frappe toute personne que je croise. C’est la même chose pour tout le monde, donc c’est juste.

Identité n’implique pas justice

L’aphorisme “c’est la même chose pour tout le monde” sous-entend, dans le langage courant, une égalité stricte pour chacun, sans aucune exception.

Or, une telle égalité est bien loin d’être juste parce qu’elle ne permet pas de tenir compte des différences entre individus.

Exemple ad absurdum: Durant longtemps, j’ai eu une femme de ménage très peu efficace et qui ne nettoyait que très imparfaitement. Je lui versais 15.- CHF / heure. Aujourd’hui, j’ai une autre femme de ménage très efficace et qui nettoie mon appartement parfaitement. Je lui verse 15.- CHF/ heure. Ma nouvelle femme de ménage touche la même chose que l’ancienne, donc c’est juste.

Discussion et conclusion

Dans les exemples ci-dessus, le lecteur attentif aura tôt fait de dire qu’il n’y a pas réellement universalité dans les deux cas. En effet, dans le premier exemple tous ceux qui ne me croiseront pas ne subiront pas mes coups et dans le second toute femme de ménage qui travaille pour quelqu’un de plus généreux gagne davantage. Le problème évoqué concerne néanmoins davantage la création de catégories que l’absence de lien entre universalité et justice.

En conclusion, l’adage devrait être le suivant: “C’est la même chose pour tout le monde, donc c’est pareil pour tous.”

P.S. : L’adage initial (“C’est la même chose donc c’est juste”) peut toutefois être en partie sauvé en invoquant une identité (égalité) propositionnelle (distributive dirait Aristote). Encore que la présence d’une proportion quelconque ne signifie pas encore la présence de la bonne proportion.

Paradoxon

Filifjonka hat mir letztlich folgendes gesagt:

Mit so einem Tod könnte ich sehr gut leben.

Regel als Regel befolgen III

Einer Regel folgen, weil es die Regel ist, meint nichts anderes, als die eigene Autonomie, das freiwillige Entscheiden aufzugeben. Denn eine Regel ist immer generell und abstrakt, so dass in jedem Einzelfall entschieden werden muss, ob die Regel gilt oder nicht, d.h. ob wir es mit dem “Grundsatz” zu tun haben oder mit einer “Ausnahme”.

Grundsatz oder Regel und Ausnahme sind zwei Kategorien die der Rechtsregel eigentlich fremd sind und die nur subjektiv, im Einzelfall entstehen und Sinn haben.

Spricht man von Regeln und Ausnahmen im Gesetz, so vermischt man Abstraktes und Konkretes. Denn selbst eine kodifizierte Ausnahme stellt eine Regel dar, die im Einzelfall ausnahmsweise nicht angewendet werden kann. Eine kodifizierte Ausnahme in diesem Sinne ist nichts anderes als eine andere Regel für einen anderen Falltypus.

Mit Regel und Ausnahme wird nicht auf den Gesetzestext verwiesen, sondern auf die Freiheit des Richters, im Einzelfall zu entscheiden, ob eine Regel entstehen soll oder nicht, auf die Freiheit des Einzelnen zu entscheiden, ob er im Einzelfall etwas tun darf oder nicht. Dies ist auch der Grund, warum der Einzelne Verantwortung für sein Handeln trägt.

Eine Regel als Regel befolgen, oder eine Ausnahme restriktiv auslegen, weil es eine Ausnahme ist, kann somit nur als Tyrannei der Abhängigkeit und des Nicht-Denkens bezeichnet werden.

Théologie et dangerosité

Selon mon logiciel anti-virus, la page d’accueil de la Faculté de Théologie de l’Université de Fribourg est dangereuse… Faisant fi de toute convention, il va même jusqu’à déclarer y avoir détecté une “infection”.

Infection détectéeSans titreSans titre

Poésie et texte légal

Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours; Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards.

Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire ;
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois.

Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
À ses regards voilés je trouve plus d’attraits :
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais.

Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui.

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau !
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel :
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel !

Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu !
Peut-être dans la foule une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu !…

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphyre ;
À la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs ; et mon âme, au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux.

(Alphonse de Lamartine, L’Automne, in: Méditations poétiques, 1820)

Celui qui a payé volontairement ce qu’il ne devait pas ne peut le répéter s’il ne prouve qu’il a payé en croyant, par erreur, qu’il devait ce qu’il a payé.

(art. 63 al. 1 CO)

Ces deux exemples illustrent brillamment la différence qui existe entre texte légal et poésie.

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Alors que la poésie tante d’exprimer un sentiment, c’est à dire de produire une émotion chez son lecteur, le texte légal se borne à inspirer un raisonnement.

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La poésie est toujours dans l’instant, dans le concret, le texte légal dans l’indéfini, dans l’abstrait.

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Alors que la poésie se rit des équivoques et vit des ambiguïtés, le texte légal recherche la clarté et l’univocité totalisante. Là où la poésie suggère, le texte légal décrit.

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La poésie contemple le monde avec passion, le texte légal avec rigueur.

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Le poète essaie de donner le plus de sens possibles à ses vers, le législateur le moins de sens possibles à ses alinéas.

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Les détours de la poésie sont autant de plaisants méandres inconnus du texte légal.