Tout, c’est-à-dire presque rien

Un craquement, le silence. Un murmure, personne.
Une pensée, le néant. Un souvenir, parti.
Une présence vide.
Une mélodie, nulle-part. Un instant, jamais.

Alain über Dummköpfe

L’on a donné un prix Nobel au romancier anglais Kipling. Voilà un choix que j’approuve tout à fait. Justement, ces jours, je lisais quelques récits de cet auteur, et je prenais en pitié nos petits romanciers de quatre sous, couronnés par l’Académie française. Pourquoi? Parce que ce sont des sots. Et à quoi peut-on reconnaître un sot? A ceci qu’il n’explique pas quand il faudrait et qu’il explique quand il ne faudrait pas. […]

Alain, Propos,  La Pléiade – Gallimard, 1956, p. 23 s.

Messbarkeit, Berechenbarkeit und Mathematik

Jean François Billeter, ein basler Sinologe, schreibt in seinem letzten Buch “Esquisses” über Sprache, Sinn, Systeme und Kapitalismus.

Einige Zeilen des Buches betreffen die Messbarkeit, Berechenbarkeit und Mathematik. Seine Analyse ist scharfblickend:

Un nouveau processus s’est enclenché au début de l’âge moderne en Italie. Les marchands se sont mis à appliquer à leurs marchandises la science de la géométrie et d l’algèbre. Cette pratique a mené à l’idée que toute la réalité matérielle pouvait être mesurée et représentée par des figures et des nombres. Cette idée a provoqué un essor sans précédent des sciences de la nature et des arts mécaniques. La réalité semblait devenir totalement intelligible, mais c’était au prix d’une nouvelle scission au sein de l’activité humaine, car le langage mathématique relève exclusivement de la fonction. Il ignore les synthèses imaginaires qui donnent leur sens aux mots et qui naissent en nous par intégration d’éléments de notre expérience. Il exclut l’imagination, seule créatrice de sens, mais s’est imposé comme une rationalité supérieure à cause de sa rigueur, de ses développements infinis et de son efficacité pratique.

(Jean François Billeter, Esquisses, Allia,  Paris 2016)

Affichage interdit ou métaphysique de la règle

“Affichage interdit!”, voilà ce que peuvent lire les passants sur cette place d’une ville du Sud de la France. Une écrasante majorité des piétons n’y prête pas attention, certains lisent l’inscription et s’interrogent…

Cette règle ne figure-t-elle pas sur une affiche placardée à l’endroit précis où son auteur souhaite ne pas voir d’affiches? Comment une règle peut-elle se contredire de par sa simple existence?

La recette est simple, tout est dans la proclamation. Prenez une norme bien banale interdisant une pratique quelconque. Arrangez-vous pour l’énoncer sur un support ou d’une manière qui contrevienne à elle-seule à cette même norme. Vous aurez alors deux règle: l’une énoncée, l’autre implicite, que l’on peut qualifier de méta-règle, affirmant la validité de la première règle en dépit de sa transgression originaire. Après tout, une règle n’est-elle pas plus claire du simple fait qu’elle illustre elle-même en quoi consiste sa transgression?

Il est interdit d’interdire. Il ne faut jamais dire jamais. Faites ce que je vous dis, non ce que je fais.

Si nous quittons le droit, un tel procédé permet d’expliquer la grammaire anglaise avec humour:

Don’t use no double negatives.

Verbs has to agree with their antecedents.

The passive voice is to be avoided.

a sentence should begin with a capital letter and end with punctuation

Prepositions are not words to end sentences with.

Au-delà du jeu d’esprit qui peut s’avérer distrayant, du moins quelques secondes, ce type d’énoncés met en lumière le caractère d’attente contrefactuellement stabilisée de la règle de droit, à savoir le fait que la règle vaut et existe même si elle est transgressée dans les faits. C’est là sa composante normative. Elle exprime un souhait qui n’est en rien anéanti par le fait qu’il ne se réalise pas toujours.

Ces exemples nous montrent en outre qu’aucune règle ne peut définir elle-même son champ d’application ni sa validité sous peine de souffrir de circularité.

Un Crétois dit: “Tous les crétois sont des menteurs.” En supposant que l’affirmation “tous les crétois sont des menteurs” est vraie, le crétois qui la prononce est un menteur et donc l’affirmation qu’il prononce est fausse (contradiction). Si l’on suppose que l’affirmation est fausse, alors le crétois qui la prononce n’est pas un menteur et l’affirmation est donc vraie (contradiction).

Qu’entend-on par “menteur”? Faut-il comprendre ce mot comme faisant référence à une personne qui ne dit jamais la vérité ou comme faisant référence à une personne qui, au cours de son existence, a déjà dit ne serait-ce qu’un seule fois un mensonge. Quand ment-on? Ment-on lorsque l’on ne dit pas la vérité ou lorsque l’on ne dit pas ce que l’on pense être vrai? À moins que la règle énoncée ne suppose une meta-règle selon laquelle la première règle ne vaut pas dans ce cas précis…

Aussi loin que l’on regarde, la règle est vide, sans fondement propre. Seule la réalité a un fondement: elle-même.

Comment agir? Qu’est-ce qui est juste, qu’est-ce qui est faux? Tout est relativité, interprétation, contingence. En un mot, tout application d’une règle implique un choix.

Warum Touristen Auschwitz wie den Eiffelturm besuchen

Es ist nicht so lange her, vielleicht erinnern Sie sich noch. Vor etwa drei Jahren habe ich an dieser Stelle über eine Postkarte aus Auschwitz berichtet.

Damals war Ironie der einzige Weg, meine Empörung auszudrücken. Wie können Touristen Auschwitz in genau derselben Art und Weise besuchen wie den Eiffelturm? Wie kann man in Birkenau sorg- und schamlos in der Sonne liegen?

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Eine mögliche Antwort findet man im Buch Wir Eichmannsöhne: offener Brief an Klaus Eichmann von Günther Anders:

“Was hat das ‘Monströse’ möglich gemacht? […] Wie und wodurch kann es da zum ‘Monströsen’ kommen?

Antwort: dadurch, dass unsere Welt, obwohl von uns selbst erfunden und errichtet, durch den Triumph der Technik so ungeheuer geworden ist, dass sie aufgehört hat, in einem psychologisch verifizierbaren Sinne wirklich noch ‘unsere’ zu sein. Dass sie uns ‘zuviel’ geworden ist. Und was heisst das wieder?

Erst einmal, dass dasjenige, was wir nun machen können (und was wir deshalb wirklich machen) grösser ist als dasjenige, wovon wir uns ein Bild machen können ; dass sich zwischen unserer Fähigkeit der Herstellung und der der Vorstellung eine Kluft aufgetan hat, und dass sich diese von Tag zu Tag verbreitert ; dass unsere Kapazität der Herstellung, da der Steigerung der technischen Leistungen keine Grenze gesetzt, masslos, die unser Vorstellung von Natur aus beschränkt ist. Einfacher ausgedrückt: dass die Objekte, die wir heute mit Hilfe unserer uneindämmbaren Technik zu erzeugen gewohnt sind, und die Wirkungen, die wir auszulösen imstande sind, nun so gross und so brisant sind, dass wir sie nicht mehr auffassen, geschweige denn als unsere eigenen identifizieren können. – Und natürlich ist es nicht nur die übermässige Grösse unserer Leistungen, die unsere Vorstellungskraft überfordert, sondern auch die grenzenlose Vermittlung unserer Arbeitsprozesse. Sobald wir dazu angestellt werden, einen der zahllosen Einzelhandgriffe, aus denen sich der Produktionsprozess zusammensetzt, durchzuführen, dann verlieren wir nicht nur das Interesse am Mechanismus als ganzem und an dessen Letzteffekten, vielmehr sind wir dann auch der Fähigkeit beraubt, uns davon ein Bild zu machen. Ist ein maximaler Grad von Inndirektheit überschritten – und in der heutigen industriellen geschäftlichen und administrativen Arbeit ist das der Normalfall – dann versagen wir, nein, dann wissen wir noch nicht einmal, dass wir versagen, dass es unsere Aufgabe wäre, uns vorzustellen, was wir tun.”

Günther ANDERS, Wir Eichmannsöhne : offener Brief an Klaus Eichmann,  3. Aufl. , C.H. Beck, München 2002 (1964), S. 24 f.

Die Kluft von der Anders spricht, hat nicht nur einen Völkermord vor mehr als 50 Jahren erlaubt, sondern existiert auch heute noch.

Man kann sie überall beobachten, wenn man gut genug hinschaut. Sie nimmt unerwartete Formen an, bleibt aber bestehen und verbreitet sich allmählich.

Sei es Technik, Abstraktion, Medialität oder Indirektheit, wir verlieren unsere Einsicht, wir erkennen unsere Realität nicht mehr.

Was damals in Auschwitz passiert ist, übersteigt unsere Vorstellungskraft. Vor dieser Kluft aber soll man sich aber nicht hinlegen und aufgeben, sondern hinschauen und immer wieder versuchen, zu verstehen.